Le cri des « Pierres vivantes »

A Bethléem, en cette soirée du 12 mai, un homme vêtu de noir, élancé, au visage émacié accompagne notre guide. Après une très brève présentation, l’homme, à peine assis sur sa chaise, s’anime, libère et déverse une parole à flot continu, celle de son peuple bafoué, écrasé sous le poids lancinant des humiliations et des vexations quotidiennes, du chômage dévastateur, poussant ses forces vives à partir, de la violence qui lamine froidement des hommes et des femmes, dépossédés de leurs droits de citoyen, privés de liberté d’aller et venir. 

Il nous harangue : « Venez ici au pays de Jésus nous visiter, fraterniser, écouter le cri des « Pierres vivantes » que nous sommes. N’ayez pas peur ! La violence n’est pas là où vous croyez, allez dire chez vous ce qui se trame ici : la vitalité et la désespérance de nos communautés chrétiennes, le ghetto à ciel ouvert de Gaza, tous ces murs mais aussi tous ces ponts établis entre nos frères musulmans et nous-mêmes. Nous avons soif comme Jésus s’adressant en ces mots à la Samaritaine : « J’ai soif. Donne-moi à boire. »

Cet homme, c’est le directeur de Caritas Jérusalem, le père Raed Abusahlia. Comme tous ceux que nous avons rencontrés, entre autres Marie-Armelle Beaulieu, responsable de la revue Terre sainte, femme vivante, intelligente, étonnamment drôle, le curé actuel de Taybeh, la fraternité franciscaine laïque de Bethléem. le père Raed nous confie une angoisse très ciblée : l’affaiblissement rapide des communautés chrétiennes, le départ massif de leurs jeunes à l’étranger. Toutes les personnes que nous avons rencontrées, nous invitent à renouveler à gorge déployée la nécessité du dialogue avec nos frères israéliens, avec tous ceux qui croient en l’homme. 

En cette année 2016, année de la miséricorde, de la célébration des 30 ans de la Rencontre d’Assise pour la Paix, nous sommes invités à dénoncer l’injustice à temps et contretemps sans nous laisser piéger par le découragement. 

Chers amis de Suisse romande, soyons des « Pierres vivantes » nourrissant nos appartenances confessionnelles, réouvrant l’horizon de nos croyances. Jésus a partagé son ultime repas avec tous, même Judas. Continuons de manger sa Chair et boire son Sang.

Bel été,

Brigitte